Pour commencer à aborder la question de la médecine et des jeux vidéo, à laquelle je reviendrai souvent, je me suis dit qu'il serait pas mal de commencer avec une réaction au podcast Hotspot du 18/01/11.
Ils y parlent d'une étude scientifique réalisée dans une université de l'Iowa par le Pr Gentile, publiée dans la revue Pediatrics, qui fait un lien entre jeu vidéo, dépression et anxiété chez les enfants. Cette étude a suivi plus de 3000 enfants à Singapour et leurs habitudes de jeu. Une étude ressemblante avait été réalisée aux USA en 2009. Les deux semblent montrer qu'il existe un pourcentage d'environ 8 à 9% de joueurs pathologiques parmi les enfants. Il semblerait aussi que parmi les joueurs pathologiques, on retrouve un plus grand pourcentage de dépression, d'anxiété, et de phobie sociale. Mais il n'existe pas de lien de causalité (de cause à effet) évident, et il est possible que le jeu pathologique ne soit qu'une comorbidité (un "fonctionnement pathologique" parmi d'autres, qui accompagne la dépression, comme l'alcool ou d'autres choses, même si ici on parle d'enfants).
Une étude scientifique c'est bien, ça semble impressionnant, on a presque envie de pas trop discuter, ça semble compliqué. Mais si on connaît un peu le problème de l'intérieur, ce qui est un petit peu mon cas, on se rend compte qu'obtenir une bonne étude scientifique, c'est très difficile.
Il existe par exemple des "biais" méthodologiques qui peuvent tout fiche en l'air, comme des problèmes de représentativité dans les populations étudiées (pourquoi à Singapour? Et si tous les enfants sont défavorisés? Et si ils ont tous le même âge?), ou dans la réalisation des tests par exemple (pertes de données, interprétation du questionnaire par les intervenants..).
Et en plus des problèmes de méthode, imaginons que l'on veuille étudier une question, comme "quel est le pourcentage de joueurs pathologiques", et qu'on retient comme conclusion "les joueurs pathologiques sont plus souvent dépressifs", on retient comme conclusion une donnée différente de celle posée à l'origine, ce qui n'est pas retenu comme un critère valable dans l'étude.
Tout cela est compliqué, mais je veux dire qu'une étude, c'est toujours à analyser de près, pas à gober tout cru. Voyons un exemple lié à cette étude. Il existe une nuance en anglais entre "pathological gamer" (joueur) et "pathological gambler" (parieur), mais pas en français. Et voilà comment on met à jour le premier problème méthodologique de cette étude: le "joueur pathologique" au sens jeu vidéo n'est pas une maladie reconnue, il n'existe donc pas de test pour la dépister, c'est pourquoi les questions posées sont fondées sur celles utilisées dans le dépistage du joueur pathologique, dans le sens parieur pathologique. Ces questions sont trop liées à des questions d'argent, et ne semblent pas parfaitement pertinentes.
En plus de ça, le jeu vidéo est bien sûr un excellent moyen de se réfugier et d'éviter les problèmes, familiaux ou autres. Mais il en existe d'autres, et personne ne s'étonne de voir un enfant "dévorer des livres".. Ok, la plupart du temps les livres apportent plus que les jeux vidéo, mais ça demanderait un article à part entière, franchement, c'est pas forcément si évident. C'est pour moi un biais dans le sens où c'est un à priori sur le média, personne n'irait voir le pourcentage d'enfants "lecteurs pathologiques".
Mais il ne faut pas me faire dire ce que je n'ai pas dit, je ne nie pas le problème d'une forme de dépendance à une forme de jeu vidéo. Pour moi, ça concerne presque uniquement les jeux en ligne dans des univers persistents. Les joueurs eux-mêmes, qui ne sont pas accros, reconnaissent que ces jeux "bouffent votre vie sociale" comme on dit..
Enfin, tout ça pour dire que cette étude est une goutte d'eau dans la masse des études anti jeu vidéo, mais qu'elle pose un problème intéressant, celui du jeu vidéo comme un refuge. Honnêtement, je pense que c'est le cas pour beaucoup d'entre nous. Bref, tout le monde peut faire ce test, et se faire son idée. A chaque question on peut répondre par OUI, NON, et PARFOIS. Chaque oui vaut un point, chaque parfois un demi, et chaque non zéro. Il existe une marge de tolérance liée au fait qu'un passionné peut avoir un score compris entre un et cinq, mais tout score au delà de cinq permet de mettre en évidence un problème certain.. Voici les questions. Toutes les questions concernent votre activité dans l'année écoulée. (Note: à la question 3, la réponse NON vaut zéro point, et en cas de réponse OUI, avoir réussi vaut un demi point, et avoir échoué vaut un point).
Dans les douze derniers mois..
1 Avez-vous été de plus en plus préoccupé par le fait d'avoir la possibilité de jouer, d'attendre la prochaine occasion de jouer?
2 Avez-vous besoin de passer de plus en plus de temps ou d'argent dans les jeux vidéo pour réussir à vous procurer la même satisfaction?
3 Avez-vous tenté de limiter votre temps de jeu (Si OUI: Avez-vous réussi?)
4 Etes-vous devenu irritable, en tentant de vous arrêter de jouer?
5 Avez-vous tenté de jouer aux jeux vidéo, pour tenter de vous échapper de problèmes, ou de sentiments désagréables?
6 Avez-vous menti à votre famille ou vos amis à propos du temps passé à jouer?
7 Avez-vous commis des actes répréhensibles, pour obtenir des jeux vidéo?
8 Avez-vous négligé les tâches quotidiennes pour passer du temps à jouer?
9 Votre travail ou vos études ont-ils souffert du temps que vous avez passé à jouer?
10 Avez-vous eu besoin d'aide financière de la part de vos familles ou amis à cause des sommes dépensées pour obtenir vos jeux? ...
Sources: Gamespot